jeudi 4 octobre 2007

"Rends-moi mon argent... Coquin !"


Bon vivant rime avec prévoyant, comme disait le Pépé dans la Pub. Eh oui ! Nous sommes début Octobre, et, comme mes finances commencent à sérieusement se réduire (compte tenu de mon train de vie totalement surréaliste - encore une piscine cet après-midi dans un grand complexe de Maadi, la vie est parfois rude...), j'attendais avec une impatience croissante mon salaire. Et, comme d'habitude en Egypte, je n'ai pas été déçu. En plein milieu d'un cours, alors que j'horrifiais mes élèves, en leur narrant les déboires d'Oedipe, et de ses rapports parentaux parfois un peu tendus, une collègue vient cogner à mon huis, et me suggère d'aller fissa voir le "Monsieur-qui-a-eule-pognon". Dès la sonnerie, je me précipite littéralement à travers les escaliers. On m'avait en effet précisé que si nous n'étions pas là, lorsque sa majesté comptable daignait se rendre dans notre trou, ce brave Monsieur n'hésitait pas à partir, quitte à ne pas nous payer. Dès lors, je me présente en face de la salle de conférence, avec un petit groupe de collègues, attendant eux aussi le versement mensuel ("Mes gages ! Mes gages !", comme disait Sganarelle). Ben, n'empêche, c'est parfois du Molière, même si ça tourne plutôt à de l'Harpagonisme... Vous allez vite comprendre. D'emblée, on a la nette impression d'appartenir à un corps de fonctionnaires ukrainiens, faisant la queue pour acheter des rouleaux de sopalin ou une bouteille d'huile. Ce qui me semble étonnant, c'est le temps que ça prend. On entre chacun son tour dans la caverne d'Ali Baba, et la porte se referme sur le mystère. Vient enfin mon tour. Je rencontre alors l'une des jeunes femmes qui m'avait fait signer mon contrat, au mois d'août, à l'école primaire (base admnistrative, s'il en est). Je me souviendrai d'ailleurs longtemps de cette signature, alors que nous étions assis sur les toutes petites chaises d'enfants, sur une toute petite table, et que mes genoux me permettaient alors de supporter mon menton. Carole était avec moi, et je crois avoir dit que franchement, ça commençait bien ! Oh ! Un TOUT PETIT contrat ! Et, heureusement là, pas une toute petite paie... Pfffiou...

Bref, la jeune femme, qui répète à l'envie "Inch'Allah" (je vous jure, elle est impressionnante ! C'est du style : Vous pourriez me donner un stylo ? Si j'en trouve un, Inch'allah... - On pourrait judicieusement poursuivre par des dialogues ubuesques, lesquels doivent se tenir à son domicile : Chérie, tu me passes le sel ? Oui, Inch'Allah), m'invite à m'asseoir à côté d'un Monsieur rabougri et dégarni. Elle regarde la liste, annonce mon salaire en arabe, et prononce mon nom. Le type, qui ressemble véritablement à un guichetier de la Poste en fin de journée, secoue le crâne, mais ne dit rien. Je demeure interdit : on sait jamais, va pas dire une connerie comme d'habitude. Dans un long soupir, et fournissant un effort quasi prométhéen, le postier attrape alors une malette posée sur la table. Il fait sauter les deux clapets, et commence à sortir trois liasses de billets, bien épaisses, entourées d'élastiques. Là, j'ai vraiment le sentiment d'être tombé chez des Mafioso... Le parrain facteur me jette un regard vitreux, prononce une sentence en arabe, que la jeune femme me retraduit aussitôt : "Vous pouvez vérifier". Dans le même temps, M. Pages jaunes m'a tendu une minuscule bandelette de papier. Quelques chiffres, mon nom. Il faut signer. Pas de place. Je signe sur les chiffres. J'ai un salaire qui tourne autour des 14000 livres, ce mois-ci, à cause de divers frais. Alors, accrochez-vous. Ce salaire d'environ 1800 euros, m'a été versé en billets de 50 pounds !!! Ce qui ne fait finalement que 280 billets... Je commence à comprendre pourquoi ça prend du temps de récupérer son salaire. Je débute le fastidieux travail, et, alors que je me suis trompé dans mes comptes pour la troisième fois, je décide de jeter l'éponge. On va faire confiance aux Egyptiens... Gloups... Le type, d'ailleurs, semble honnête. Il trouve le moyen de me rajouter 3 pounds (= 40 centimes d'euros), ce qui arrondit bien mon tas volumineux...

De retour chez moi, je reprends la vérification, tombe sur le bon compte, et range précieusement le magot. Définitivement upper class ! Je retire cependant les 3 pounds de la pile. Faut pas déconner, ceux-là, ils vont vite servir. Plus vite que je ne le croyais. On sonne et Karim va ouvrir. La facture de Gaz à payer... Pour le mois d'août et le mois de septembre. Hier soir, Karim a payé les sushis. Je lui fais comprendre que je vais règler. N'ai-je pas, d'ailleurs, une véritable fortune en billets de 50 ? On nous tend la facture, et le type nous dit "Trrri, missteur, tri foreu gasse". Je l'observe incrédule : "Télata ?" (Ah oui, maintenant, je maîtrise totalement l'arabe, donc, vous étonnez pas si je finis par rédiger ce blog en égyptien un de ces jours). Le type acquiesce, et, Karim et moi ne pouvons nous empêcher d'éclater de rire. Je tends les trois pounds au type. "Mesh kitir ! Mesh kitir !", rigole-t-il.

Dans une colocation, il s'agit de partager les frais. Ayant fort justement réclamé un partage équitable de la dernière facture de gaz, Karim a inscrit sur notre tableau de frais mes 3 pounds.

On ne déconne pas avec l'argent en Egypte...

Aucun commentaire: