jeudi 13 décembre 2007

Légende égyptienne...

C'est bientôt Noël, et, en cette période de fêtes, il est d'usage de narrer des contes aux enfants sages, devant un feu de cheminée qui crépite. Mais, bon, je suis en Egypte hein, alors, la cheminée c'est plutôt la clim. Et le Père Noël, il doit pas connaître l'endroit. Et pis, de toutes façons, les cairotes, ils portent pas de grosses chaussettes de laine. Non, eux, ils fabriquent des tenues de ninjas à leurs femmes...

Or, donc, pas de conte, mais une légende, une belle légende, que je tiens du prof de physique, Alexandre. Lequel m'a affirmé que les faits étaient authentiques. Au lecteur de trancher.

Il y a longtemps, bien longtemps, de vieux sages, issus de hautes dynasties pharaoniques, annoncérent au peuple médusé à quoi ressemblerait le futur. Mais, pas dans 20 ou 30 années. Non. Des milliers d'années plus tard. Ils annoncérent d'abord que le soleil qui cogne, ça, ça changerait pas. Que les ânes au milieu des rues, ça non plus, ça bougerait pas. Et, que les bawabs, ils sont éternels (ce serait pas ça le plus vieux métier du monde ?). En revanche, les sages expliquèrent que les pyramides, ça allait s'arrêter. Que ça allait se démoder. Qu'on allait préférer les trucs de ferraille de forme phallique. Surtout en Gaule. Chez ces couillons de Lutéciens. Sont fous ces Gaulois. Ils dirent aussi que le travail allait changer de façon incroyable. Surtout en Gaule. Que les conducteurs de chars, mais des grands, avec plein de monde dedans, eh ben, ils voudront plus taffer. Juste faire la gueule toute l'année. Sont fous ces Gaulois, conclurent-ils dans leur infinie sagesse. Le plus vieux et le plus sage de tous, prit alors la parole et dicta d'une voix grave au scribe : "Ne nous éloignons pas du sujet mes frères ! Nous devons annoncer à nos contemporains ce qu'il adviendra du travail en Egypte ! On est payé pour ça ! Qu'avez-vous vu dans vos nuits de transes ? Qu'apercevez-vous dans l'horizon du futur ?". Il y eut de grands discours. Et tous se rendirent compte que leurs visions étaient identiques. Alors, ils gravèrent dans une épaisse plaque de marbre d'étranges signes. La pierre fut alors enterrée au Sud du Caire, et personne n'en entendit plus parler pendant 4000 ans...

A l'automne 2007, alors qu'il errait dans des quartiers Sud cairote, à la recherche d'éléments métalliques pour ses expériences (oui, parce qu'il adore faire les poubelles - et c'est authentique), Alexandre, professeur de Physiques redécouvrit cette pierre. Les signes demeurent un mystère, mais Monsieur le Physicien semble avoir trouvé une solution au problème linguistique. Il a nommé ces étranges caractères les "Hyéroasis". Je vous reproduis ici la photo de cet allumé, me faisant part de sa découverte... Je demeure encore sceptique. Mais, bon, allez savoir avec la sagesse égyptienne...

samedi 8 décembre 2007

Histoires de dindes...


Ca faisait, il est vrai, un moment, que je n'avais pas noirci d'encre virtuelle la toile... Bah, faut m'excuser ! Vous croyez quoi ! J'ai reçu mes géniteurs pendant une semaine, j'ai du boulot par dessus la tête, et puis, bon, depuis que je suis devenu sportif (j'en vois qui rigole au fond !), et ben, j'ai pas une minute à moi. A tel point que j'ai eu droit à une remontée de bretelles de ma chère et tendre, qui considère d'un oeil assez moyen mes fréquentations (et je parle pas que de Seb, pour ceux qui le connaissent - même s'il faut reconnaître qu'il est pas triste le garçon), et mes mémorables sorties...

Et justement, parlons-en des sorties. Le Caire, c'est rempli d'Amerloques (et pas d'amères loques, sauf au boulot...). Or, mon cher coloc Karim, affectueusement surnommé "Indian Companion", par Roy et moi-même (le Norvégien lui a deux surnoms : Shakira - à cause de ses longs cheveux blonds - et "Polar Bear". J'ai, quant à moi, hérité d'un "F... frog" épicé), a débauché une jeune donzelle, assez mignonne, et surtout redoutablement intelligente. Elle a donc déboulé dans l'appart', depuis un mois, et je ne peux vraiment pas m'en plaindre (bah ouais, elle fait la bouffe, elle parle Français, et elle fait la bouffe aussi)... Bref, cette dernière a décidé de fêter Thanks giving, et passa donc plusieurs heures a concocté diverses mixtures, gâteaux, purées, et trouva même une volumineuse dinde qui eut du mal à passer la portière de notre four. On apprend que tous ceux qui viendront, eh ben, ils seront nombreux, et surtout ils vivaient tous de l'autre côté de l'Atlantique. Damned ! Je vais ramer pour piger leurs conversations. Et que ça prononcera pas les "R", et que ça te mettra des "A" partout à la fin des mots (exemple pour le néophyte : "Yeeeeaaah Man, i'm gonna shaw ya something 'eaally cool"). Parfois, je décrypte mieux l' Egyptien que l'Américain, malgré mes progrès dans la langue de Chexpire. Le soir prévu, je massacre paisiblement Roy au squash, puis nous gagnons le Pub de l'Hilton, histoire de faire l'apéro. Shakira regarde sa montre : on est - comme d'hab' - à la bourre. Dans l'immeuble, en face des ascenceurs, une pulpeuse jeune femme apparaît, et nous interpelle. Elle nous demande si on est invité pour Thanks Giving. On lui répond qu'il y a quelques probabilités qu'on participe à l'orgie... Grand sourire de la minette, albanaise de son état, qui trouve le moyen de nous dire qu'elle sait que les colocs sont gentils, et même qu'ils sont norvégiens et français. "Really ?", répondis-je, en essayant de masquer tant bien que mal mon accent.

Bref, lorsqu'on déboule, l'appart' ressemble plus à une rave party. Des Américains tout partout, mais quelques intrus se sont glissés parmi l'auguste assemblée. Je rencontre un Anglais, et deux Irlandais, déjà bien éméchés. On s'installe, les présentations commencent, entrecoupées d'assiettes tendus vers la purée ou la dinde. Quelques sympathiques New-yorkaises m'assurent que mon accent est "soooo sexy". En gros, la soirée est cool. Les Irlandais brandissent alors un Whisky, pure tradition. On poursuit la soirée sur le balcon, évoquant les différences culturelles, et le sempiternel "Why did you come in Egypt ?". Je finis par m'éteindre progressivement. Et, vers minuit, je décide d'aller me faire une petite sieste d'une demi-heure, histoire de pouvoir suivre le groupe au Mojito, un bar au sommet de l'Hilton, à ciel ouvert, qui domine la capitale. Je me réveille le lendemain matin, les cheveux en pétard, avec l'haleine d'un fénec amateur de purée d'ail. Je constate avec amertume que j'ai conservé mon jean et une chaussette. J'appris après coup que mes colocs avaient considéré que je n'étais pas en état de faire quoique ce soit à une heure du mat', tant je ronflais grassement. J'ai même pas eu le temps de saluer, de mon accent si sexy, la pulpeuse albanaise... Arffff...

Mais, mes expériences avec l'oncle Sam ne sont pas terminées. Pour bien comprendre, revenons au mois d'aout. Karim et moi cherchions un coloc, afin de compléter l'appart'. Plusieurs annonces sur internet, et plus de 50 candidatures, tout de même. Dans le lot, je rencontre un Allemand, Philip, garçon sympathique, qui ne restait que deux mois, et que j'éconduis donc poliment pour ce motif (on cherchait quelqu'un pour l'année). Néanmoins, nous partageâmes plusieurs soirées. Et ce dernier finit par dégoter une colocation à Zamalek. Et m'apprend qu'il vit avec trois américaines, célibataires de surcroît. Incroyab', me dis-je ! Faudrait aller voir. Ce que je m'empresse de faire, un soir de septembre, flanqué de l'Allemand. Et je dois dire que je n'allais pas être déçu. Le long couloir qui mène au salon permet d'apercevoir les deux gros canapés, et surtout les créatures allongées avec nonchalance dessus. Un tableau de Botero ! Les trois grasses, si vous préférez. Dans le lot, une moins enrobée que les autres, Kristen, m'offre un grand sourire et fait preuve d'une réelle sympathie. Mangeant des biscuits d'une main, et les yeux rivés sur son écran d'ordinateur, une bien enveloppée, April, secoue sa tête et prononce un "Hi" neutre. Enfin, une attraction de fête foraine, façon baronne de Thunder-ten-tronk", agite ses mains grassouillettes. Son prénom a malheureusement été effacé de ma mémoire, dès qu'elle m'a affirmé que je ressemblais beaucoup à son frère. Je passais une demi-heure avec le groupe et décidai d'abandonner mes nouvelles conséquentes amies.

Cette semaine, je reçois un coup de fil de Kristen, me demandant de participer à une "Christmas party". Je finis par céder, malgré quelques hésitations, tant du point de vue de mon travail que de mes appréhensions sur le déluge de boustifaille auquel je risquais d'assister. Arrivée ce mercredi soir vers 20 heures, chez Botéro. Appart' plein comme un oeuf. Et tout pareil, tout plein de Ricains qui papotent, au milieu de sushis (de circonstance pour Noël), et de "Rice pudding", franchement écoeurant. Je me lie d'amitié avec un Japonais. Nous parlons de Paris, de Tokyo et du Caire. Le temps me semble un peu long, et je demeure horrifié par la quantité industrielle de bouffe, avalée par mes hôtes. Néanmoins, une Française qui était aussi de la soirée a rapatrié une bouteille de Médoc, que je prends d'assaut. A ce propos, ça vous est sans doute déjà arrivé, mais c'est toujours cruel : l'impossibilité totale de réussir à se nouer d'amitié avec quelqu'un. Il arrive parfois que deux personnes se rencontrent, mais qu'elles n'aient rien à se dire. Non pas qu'elles se détestent. Non, juste rien en commun. Comme un rond dans un carré. Ben, avec la Française, c'est ce qui m'est arrivé. On ouvre le rouge, et, s'en suivent quelques banalités d'usage. Et puis rien. On se balance un peu sur ses jambes, on jette un regard sur l'assemblée. On coupe les longs silences par des "Ouais ouais ouais". Je sens que la fille voudrait mettre fin au supplice. Elle hausse les sourcils, me faisant un sourire contraint. Je souris, et redis pour la seconde fois que je suis content de boire un peu de vin. Voilà voilà voilà.

La soirée s'acheva vers minuit, chacun regagnant calmement ses pénates, un paquet de pudding sous le bras. Pudding que j'abandonnais au bawab, lorsque Roy et Karim refusèrent catégoriquement l'étrange plat brun-noir, trônant dans le frigo.

Bon, les américains, sont gentils quand même. Ils m'invitent au moins à bouffer. C'est déjà pas si mal.

jeudi 15 novembre 2007

La première gorgée de Gin Tonic


Doucement, comme pris dans la douceur du climat de Novembre, je me laisse un peu glisser au rythme de l'Egypte. En fait, une certaine routine commence à s'installer. Une habitude, que je n'aurais finalement pas soupçonnée, s'est construite progressivement. Bien sûr, on peut toujours compter sur le Collège pour empêcher que l'ennui s'instille dans les esprits ! Chaque jour, une nouvelle idée lumineuse jaillit sous les crânes de l'admnistration. Visiblement inspirés par une lecture abusive et unilatérale de Molière, ces derniers déclinent la gamme de la Tartufferie. Et, déclament dans le désert de Zahraa el Maadi : "Couvrez ce sein que nous ne saurions voir !". La censure sévit ces derniers jours à la bibliothèque, et "Beaux-Arts Magazine" se voit désormais couvert de rubans anthracites, cinglant les poitrines et les sexes de femelles probablement damnées, au moins damnables. Et, dans ce gribouillage, les Muses obtiennent des sous-vêtements relativement sexy ! Rien n'échappe aux yeux attentifs des cerbères. La preuve ? Okapi, journal des 10-12 ans, a été amputé de sa couverture ! Quand je pense que ma propre mère m'avait abonné à ce démoniaque mensuel, sans mesurer les conséquences sur mon esprit de pré-adolescent ! C'est sans doute ce qui doit expliquer mes bacchanales quotidiennes...

Cependant, quelle joie simple de revenir à l'appart' le soir. Sortir du métro et remonter Sharya Dokki. Il est 17H30, et la nuit est déjà tombée. Le sport national débute alors : slalom olympique, entre les fissures de la rue, les restaurants vomissant des quantités de monde, et bien entendu, les bagnoles, qui avancent, que vous soyez en face ou pas. Ca grouille dans ce quartier : les vendeurs de clopes, les morceaux de viande pendues ostensiblement, les odeurs de fouls (je ferai un article uniquement consacré à la bouffe en Egypte... y'a plein de trucs à dire), et de poissons grillés. La poussière. Il faut prendre le temps de regarder les fruits et les légumes, de bien tourner dans sa paume les tomates, ou d'ouvrir dans la rue une pomme-cannelle, et de planter ses dents dans sa chair sucrée. Récupérer les chemises au pressing. Prendre une bouteille d'eau et le nescafé pour le lendemain. Et, enfin, revenir dans ma rue, sous les acacias. Saluer les divers bawabs, et les gardes devant l'ambassade. J'aime beaucoup les soirées au Caire. Dans l'appart', vers 20 heures, les colocs sont généralement tous là. On avise pour le repas. On fait la bouffe ? Bah, euh... La flemme est malheureusement une maladie aisément contractable : commander à bouffer ne coûte pas cher ! Traditionnellement, c'est toujours Karim qui saisit son portable, et parcourt son répertoire. Japonais ? Egyptien ? Libanais ? Pizza ? On tranche ce soir pour les sushis. Dans une demi-heure. Chacun regagne sa chambre, mais les portes restent ouvertes, histoire de pouvoir continuer les conversations déjà entamées. Arrive le sympathique livreur. Alors, seulement, on s'installe sur notre terrasse. Il fait doux, et sous nos pieds, on voit les arbres. Un muezzin lance son appel, profond et guttural. Devant nous, des maisons brunies par la poussière. La lune. Et les avions qui se posent, inclinent leurs aîles métalliques dans notre ciel. On entend au loin les klaxons de l'avenue, mais le calme domine. De temps à autre, mais rarement (bah ouais, ma mère lit ce blog !), donc TRES rarement, il arrive, parfois, mais vraiment c'est tout à fait exceptionnel, à tel point que je me demande si ça vaut le coup d'en parler, tellement caarrivejamais, non sans déconner, j'aimemêmepasça, donc, ROY et KARIM - mais pas moi, hein, moi je bois que de l'eau, et en plus elle est férégineuse- sirotent un gin tonic, les sushis sur les genoux. Et, dans ces instants de pure zénitude, il n'y a rien dire, simplement savoir que tout cela est précieux. Mais, le fin du fin, c'est de se mettre un film, sur le balcon. En fait, c'est à tour de rôle, le but étant de pouvoir partager ensemble un bon moment. Alors, à chacun son paradis... Mais, sur le balcon de mon immeuble, je m'approche du ciel, parfois...

vendredi 2 novembre 2007

De l'élégance...



Tout est affaire de bon goût au Moyen-Orient, on le sait... Je vous laisse le soin de juger par vous-mêmes des qualités indéniables du sympathique photographe, (la photo ici, sur la gauche : cliquez dessus pour agrandir, c'est vraiment trop beau...) qui vous fait un portrait censé inaugurer votre anniversaire, mais qui peut également agrémenter votre propre tombe... Le brave homme avait vainement tenté de m'offrir ses services, arguant dans un anglais plus qu'approximatif (Yes mistir, this iz viry bioutifoul for youur fimili...) la finesse graphique et le plaisir oculaire que pouvait procurer la contemplation de ses oeuvres, non encore reconnues, certes, par ses contemporains.

Ici, en Egypte, on aime bien le clinquant : il suffit de monter dans leurs taxis tunés pour s'en rendre compte. Pas un chauffeur qui ne mettra sa touche toute personnelle dans sa peugeot hors d'âge. Alors, à la volée, on constatera la peau de mouton habillant délicieusement l'habitacle. La présence quasiment indispensable de la boite de mouchoirs, parfois plaquée adroitement au plafonnier. Les têtes de mort, très classes, posées sur les petits taquets des portières. Et puis, bien sûr, si l'on peut rajouter des quantités de néons, plutôt roses, pour que ça se voit bien, c'est encore mieux. Pour les vrais amateurs, les têtes d'ours ou de panda, glissées sur les appuis-têtes afin de camoufler sans aucun doute les clients. Enfin, mais là on touche au sublime, la musique bontempi - quatre notes tout au plus - qui se déclenche lorsque le taxi s'arrête. Plaisir auditif garanti. Surtout dans les embouteillages. D'ailleurs, si vous aimez les histoires ahurissantes des taxis, je vous renvoie sur le blog de mon poto Sébastien, lequel a narré avec talent une sortie commune, et notamment les délires d'un chauffeur secoué : http://pharaoblog.blogspot.com/



Mais, là n'est pas vraiment mon propos. Car, figurez-vous que mon collège a reçu la prestigieuse visite de l'ambassadeur de Belgique. Ne soyez pas trop stupéfaits. N'allez pas vous dire : "Comment ? Le collège de François reçoit les plus hautes personnalités du Caire, que dis-je, le gratin (de) cairote !"...
En réalité, au collège, tout est d'abord une histoire d'apparences. J'appris que l'établissement envoyait des quantités d'invitations, et que c'était la quatrième fois que notre ami du plat pays recevait son carton. Jusque là, le brave homme avait décliné... Mais, comme on le sait tous, on finit toujours par céder face à la persistance, voire l'acharnement de certains organismes. Le collège, en ce sens, ressemble un peu aux témoins de Jéovah, qui finissent par rentrer chez quelqu'un de temps à autre, après avoir essuyé 302 refus. Son excellence déboulait Mardi. Dès Lundi, on sentit un vent de panique souffler dans les couloirs de l'établissement. L'ensemble du corps enseignant reçut une note, laquelle nous expliquait que l'ambassadeur allait avoir le tapis rouge, et qu'il allait visiter la classe de quelques privilégiés (malheureusement, je n'ai pas eu la chance des élus... Je suis pas encore upper class au collège !). Comme d'habitude, une petite bonne femme circula parmi les profs, afin de faire signer cette si importante circulaire. Et, on pouvait au lire au bas de la page, une petite note adressée à une enseignante de Techno : on la priait de cesser son bordel pendant la visite d'Illustrissime... Sympa.
Pendant toute la journée du Lundi, des cohortes de pions et de responsables, intervinrent dans ma classe. Les mômes se devaient d'être en tenue complète. Je rappellais, avec délice, à mes chères têtes brunes, de ne pas omettre ses chaussettes floquées du nom du collège (si, si, je vous jure que c'est authentique !)...

Enfin, arriva le Mardi. Je n'avais pas cours de 8 à 9, et pus tranquillement passer en revue l'état de mon lieu de travail, accompagné d'un collègue belge (Je vous passe l'arrivée d'un camion-benne qui déchargea une table dans la cour, ou de la consciencieuse préparation d'un marron glacé - j'ai bien dit UN-, événements quasi indescriptibles tant ils sont absurdes...). Dans les classes où devait se pointer l'ambassadeur, on avait mis des livres. Mais, attention, avec les tranches colorées, pour qu'on les voit bien. Les bouquins avaient été trimballés à la va vite de la bibliothèque, mais qu'importe. Sur les murs des couloirs, jusque là encore nus, on avait plaquardé des panneaux, tous plus beaux les uns que les autres. De mémoire, s'étendait en lettres épaisses des slogans glorieux, décrivant nos élèves : "Communicateurs, ambitieux, ouverts". Ah ! C'était presque aussi beau qu'une campagne du PS... Clou du spectacle, maintenant. A midi, le collège avait organisé un pot, en l'honneur de la visite du Belge. On aurait cru que l'ensemble du personnel allait être invité... Que nenni ! Seuls les profs belges, et les chefs de département, reçurent le droit de participer ! Résultat, les honteux Français et les misérables Egyptiens mangent leurs sandwichs à l'étage, tandis que les honnêtes gens font bombance en bas.

"Maalesh", comme disent les Arabes : j'ai loupé les Ferrero !!!

vendredi 26 octobre 2007

Partir...

Retour en Egypte, après une semaine française. J'ai espéré voir la pluie en France, et Octobre n'a pas été automnal ! Pire encore : il a plu au Caire pendant mon absence ! Le balcon était recouvert d'une épaisse pellicule de poussière lorsque je regagnais mes pénates orientales. Et, j'appris qu'une pluie terrible s'était abattue sur la capitale. A la sortie de l'aéroport, je reprenais de plein fouet la lourde chaleur et les gaz d'échappements des bagnoles. Une heure d'embouteillage. Des klaxons. Des routes grises sous la lueur orangée des réverbères. Les grands panneaux publicitaires qui se découpaient dans la nuit. On a le temps de regarder le paysage et de cogiter quand on revient... C'est un peu une nouvelle expérience que de retourner dans son nouveau pays. Je me suis demandé pourquoi j'étais parti... Pourquoi avais-je tant envie de quitter la France, Clermont, les volcans et la saucisse ? Pourquoi est-ce que ce sentiment me comprimait le cerveau les jours de déprime ? J'ai tranché dans le vif un soir de Juillet. Sans vraiment imaginer ce qui m'attendait. J'avais pensé, au départ, que c'était l'appel de l'inconnu, la volonté de se jeter dans le nouveau, qui m'avaient poussé à signer au Caire. Je n'en suis plus si certain. Il y a, c'est évident, le refus d'accepter une vie trop ordinaire. Je me dégoutais peu à peu, dans mon carcan clermontois, à visiter des bleds insipides, et à tourner comme une toupie sur un centre de gravité toujours identique. La hantise de manquer quelque chose me vampirisait littéralement l'an dernier. Et ce sentiment s'est estompé depuis que je vis en Egypte. Pas de problème ici, tout est très différent et chaque jour n'est pas un calque du précédent. Alors, vivre vraiment, enfin ? Ce serait accepter que ce que j'ai vécu pendant toutes ces années en Auvergne n'aurait été que pure perte. Parce que, j'ai fait de belles rencontres. Des amis ou des profs, tous ont forgé quelque chose en moi. Partir en Egypte, ce n'est qu'un autre chemin. Une autre voie. Pas plus.

Je ne parviens pas vraiment à expliquer cette pulsion que j'avais en France, et qu'il m'a fallu assumer plus d'une fois en Egypte. Quand j'ai laissé Carole à l'aéroport la première fois, je me suis rendu compte de la portée de ma décision. Seul, au milieu de 20 millions d'habitants, sans parler la langue, ça fout un peu le vertige. Mais, je l'avais décidé. Désormais, ce sentiment est assez diffus. Je regrette que Caco ne soit pas là, pour partager mes expériences. En revanche, je me félicite d'être parti. Alors, bonté, pourquoi ???

Je ne crois pas que l'on sache vraiment pourquoi on décide qu'un beau jour, il faille mettre les voiles, et se tirer vers d'autres horizons. Tout cela était peut-être inscrit dans mes gènes. Parce que mes grands-parents ont foulé le sol du Maghreb. Que mes parents ont eu un fils en Afrique noire... Je savais seulement qu'il fallait partir... Après, après, c'est de la littérature. "Certains pensent qu'ils font un voyage, en fait, c'est le voyage qui vous fait ou vous défait", écrivait Nicolas Bouvier...

dimanche 7 octobre 2007

France-NZ



Hier soir. Je pars rejoindre à Maadi deux profs de mon bahut, Sebastien et Alexandre. Seb a eu la riche idée d'appeler Drinkies le matin. Il a reçu ses Saqqaras... Elles sont au frais. Car, en période de Ramadan, c'est vraiment pas évident de trouver de l'alcool. Seule, une boîte (donc Drinkies), qui doit sans doute dégager d'intéressants bénéfices, permet d'obtenir ce que les Arabes ont inventé ! Al Khol bonté... Et mieux, ça signifie littéralement l'esprit ! Ils avaient tout compris à l'époque. Problème : ils ont pas mis de brevets !

Bref, les bières sont au frais, et la nuit est déjà bien tombée sur le Caire. Je m'embarque dans un taxi, et remonte le Nil vers le Sud. Arrivée chez Seb. Fait chaud dans le salon. Alex s'allonge sur un sofa, les pieds en l'air. J'entreprends de prendre une posture décontractée sur un gros fauteuil, mais, franchement, je stresse. J'ai peur, vraiment peur que ce soir on prenne une jolie valise. Y'a Seb qui a pronostiqué la veille à un Anglais qu'on jouerait contre eux en demi-finale. Et, les Anglais sont passés ! Increvables les Rosbeefs. Première mi-temps délicate. Je considère que c'est presque mort. Il fait vraiment chaud, malgré un gros ventilo qui tourne au-dessus de nos têtes. Et puis, et puis, Dusautoir applatit. Et moi je bondis, bras en l'air. Et je me prends le ventilo de plein fouet sur la main gauche. Je continue cependant à hurler : "J'ai mal mais j'm'en fous !". Seb me tend un sac de glace. Ca devient irrespirable dans l'appart, surtout quand les NZ reprennent l'avantage. Et là, oui là, entre Michalak. Soupirs de notre assemblée. "Michalak l'est tout pourri !". Alex rajoute "Michalak, c'est pas un nom de joueur de rugby, mais celui d'une barre de chocolat". Une minute plus tard, la magistrale percée du Toulousain provoque l'essai de Jauzion. C'est à peine croyable. Seb et moi-même nous prosternons devant la télé : "Pardon, on comprend rien au rugby, on est que des merdes, merci Michalak". C'est du n'importe quoi maintenant dans l'appart'. Nouvelle bière. Je suis pieds nus, la chemise ouverte, et j'arrive pas à m'asseoir. Seb est à genoux, sur le sol. Il reste 10 minutes, et que c'est long, 10 minutes ! Alex, toujours vautré comme un pacha sur le canapé, appelle au calme : "Y'en a un qui s'est converti à l'Islam, l'autre qui est devenu Zébulon !". Les minutes filent. Si impuissants devant la télé, si loin et si proche de la France. Et les frissons qui parcourent l'échine quand un Black percute. Les Bleus ne céderont pas. On a sorti les Blacks. Hurlement dans l'appart. Je crève probablement le tympan de Karim au téléphone, pour lui annoncer le résultat. J'ai pensé à la Place de Jaude, l'été dernier. Aux copains qui devaient eux aussi regarder le match. Si j'étais resté, on aurait sans doute fini à la Perdrix, à boire une Guiness en l'honneur des Bleus. Mais, je partage ma Stella, en Egypte. Si proche et si loin, finalement. Je crois avoir vécu le match avec encore plus d'émotions que d'habitude. Car, parfois, oui, parfois, on est content d'être Français...

Bawab au travail...


Et, c'est juste devant chez moi...

jeudi 4 octobre 2007

"Rends-moi mon argent... Coquin !"


Bon vivant rime avec prévoyant, comme disait le Pépé dans la Pub. Eh oui ! Nous sommes début Octobre, et, comme mes finances commencent à sérieusement se réduire (compte tenu de mon train de vie totalement surréaliste - encore une piscine cet après-midi dans un grand complexe de Maadi, la vie est parfois rude...), j'attendais avec une impatience croissante mon salaire. Et, comme d'habitude en Egypte, je n'ai pas été déçu. En plein milieu d'un cours, alors que j'horrifiais mes élèves, en leur narrant les déboires d'Oedipe, et de ses rapports parentaux parfois un peu tendus, une collègue vient cogner à mon huis, et me suggère d'aller fissa voir le "Monsieur-qui-a-eule-pognon". Dès la sonnerie, je me précipite littéralement à travers les escaliers. On m'avait en effet précisé que si nous n'étions pas là, lorsque sa majesté comptable daignait se rendre dans notre trou, ce brave Monsieur n'hésitait pas à partir, quitte à ne pas nous payer. Dès lors, je me présente en face de la salle de conférence, avec un petit groupe de collègues, attendant eux aussi le versement mensuel ("Mes gages ! Mes gages !", comme disait Sganarelle). Ben, n'empêche, c'est parfois du Molière, même si ça tourne plutôt à de l'Harpagonisme... Vous allez vite comprendre. D'emblée, on a la nette impression d'appartenir à un corps de fonctionnaires ukrainiens, faisant la queue pour acheter des rouleaux de sopalin ou une bouteille d'huile. Ce qui me semble étonnant, c'est le temps que ça prend. On entre chacun son tour dans la caverne d'Ali Baba, et la porte se referme sur le mystère. Vient enfin mon tour. Je rencontre alors l'une des jeunes femmes qui m'avait fait signer mon contrat, au mois d'août, à l'école primaire (base admnistrative, s'il en est). Je me souviendrai d'ailleurs longtemps de cette signature, alors que nous étions assis sur les toutes petites chaises d'enfants, sur une toute petite table, et que mes genoux me permettaient alors de supporter mon menton. Carole était avec moi, et je crois avoir dit que franchement, ça commençait bien ! Oh ! Un TOUT PETIT contrat ! Et, heureusement là, pas une toute petite paie... Pfffiou...

Bref, la jeune femme, qui répète à l'envie "Inch'Allah" (je vous jure, elle est impressionnante ! C'est du style : Vous pourriez me donner un stylo ? Si j'en trouve un, Inch'allah... - On pourrait judicieusement poursuivre par des dialogues ubuesques, lesquels doivent se tenir à son domicile : Chérie, tu me passes le sel ? Oui, Inch'Allah), m'invite à m'asseoir à côté d'un Monsieur rabougri et dégarni. Elle regarde la liste, annonce mon salaire en arabe, et prononce mon nom. Le type, qui ressemble véritablement à un guichetier de la Poste en fin de journée, secoue le crâne, mais ne dit rien. Je demeure interdit : on sait jamais, va pas dire une connerie comme d'habitude. Dans un long soupir, et fournissant un effort quasi prométhéen, le postier attrape alors une malette posée sur la table. Il fait sauter les deux clapets, et commence à sortir trois liasses de billets, bien épaisses, entourées d'élastiques. Là, j'ai vraiment le sentiment d'être tombé chez des Mafioso... Le parrain facteur me jette un regard vitreux, prononce une sentence en arabe, que la jeune femme me retraduit aussitôt : "Vous pouvez vérifier". Dans le même temps, M. Pages jaunes m'a tendu une minuscule bandelette de papier. Quelques chiffres, mon nom. Il faut signer. Pas de place. Je signe sur les chiffres. J'ai un salaire qui tourne autour des 14000 livres, ce mois-ci, à cause de divers frais. Alors, accrochez-vous. Ce salaire d'environ 1800 euros, m'a été versé en billets de 50 pounds !!! Ce qui ne fait finalement que 280 billets... Je commence à comprendre pourquoi ça prend du temps de récupérer son salaire. Je débute le fastidieux travail, et, alors que je me suis trompé dans mes comptes pour la troisième fois, je décide de jeter l'éponge. On va faire confiance aux Egyptiens... Gloups... Le type, d'ailleurs, semble honnête. Il trouve le moyen de me rajouter 3 pounds (= 40 centimes d'euros), ce qui arrondit bien mon tas volumineux...

De retour chez moi, je reprends la vérification, tombe sur le bon compte, et range précieusement le magot. Définitivement upper class ! Je retire cependant les 3 pounds de la pile. Faut pas déconner, ceux-là, ils vont vite servir. Plus vite que je ne le croyais. On sonne et Karim va ouvrir. La facture de Gaz à payer... Pour le mois d'août et le mois de septembre. Hier soir, Karim a payé les sushis. Je lui fais comprendre que je vais règler. N'ai-je pas, d'ailleurs, une véritable fortune en billets de 50 ? On nous tend la facture, et le type nous dit "Trrri, missteur, tri foreu gasse". Je l'observe incrédule : "Télata ?" (Ah oui, maintenant, je maîtrise totalement l'arabe, donc, vous étonnez pas si je finis par rédiger ce blog en égyptien un de ces jours). Le type acquiesce, et, Karim et moi ne pouvons nous empêcher d'éclater de rire. Je tends les trois pounds au type. "Mesh kitir ! Mesh kitir !", rigole-t-il.

Dans une colocation, il s'agit de partager les frais. Ayant fort justement réclamé un partage équitable de la dernière facture de gaz, Karim a inscrit sur notre tableau de frais mes 3 pounds.

On ne déconne pas avec l'argent en Egypte...

mardi 2 octobre 2007

Gard'rien


S'il y a une spécificité bien égyptienne, peut-être moyenne orientale - j'en sais rien ! -, c'est sans doute le Bawab. Mais, kéke c'est un Bawab ? Le bawab, c'est le gardien, le cerbère de l'immeuble où l'on crèche. Alors, comment qu'on reconnaît un Bawab ? Simone, c'est très simple. Tout d'abord, le Bawab est toujours, je dis bien toujours, vêtu d'une Djellaba. Sans doute parce que le costume évoque irrésistiblement un long pyjama, que c'est confortable, et qu'on ne doit mettre que quelques secondes à l'enfiler. Parce que, généralement, le bawab, l'en fout pas trop. Alors, bien sûr, c'est pas non plus un fonctionnaire de la SNCF. On est en Egypte ici ! Pas de ça chez nous ! Manquerait plus qu'il y ait un syndicat de bawabs ! (Comme vous pouvez le constater sur la photo, nous assistons ici à une réunion au sommet de deux bawabs, fournissant un travail démentiel, en arpentant la corniche).

Son cadre de vie, son lieu de travail se concentre à l'entrée de l'immeuble. Installé sur un banc, il papote avec les gens du quartier, se tenant dans deux positions bien distinctes. Tout d'abord, assis, une jambe repliée sous son avant-bras, l'autre pendant mollement devant. Il a alors le dos plaqué contre le mur et dodeline de la tête comme s'il venait de terminer sa sieste. La seconde position est nettement plus offensive, et prouve cette foi indestructible dans les vertus du travail, que porte en lui l'amical gardien. Il... s'allonge. Mais ne rechigne pas à tourner la tête de temps à autre, pour surveiller les allées et venues des habitants. Parce que, c'est aussi lui la voix du quartier. Mine de rien, mieux vaut ne pas froisser son bawab. Il racontera partout que vous forniquez à tout va avec des prostituées djiboutiennes, et que, si vous demandez Internet, ce n'est qu'à des fins lucratives : vendre des productions cinématiques accomplies lors de vos dernières débauches. Car, il fait la pluie et le beau temps. Tout le monde l'écoute, tout le monde le respecte, et croit aveuglément à ses paroles pleines d'une sagesse toute subjective. Dès lors, je me montre poli, voire carrément enchanté lorsque je croise l'indolente sentinelle. Après force courbettes et "Chokran" mielleux, on se sent rassuré. Et, Dieu soit loué, je ne parle pas Arabe, ce qui me permet de ne pas comprendre les revendications parfois bizarres du bawab. J'ai eu l'occasion d'observer deux bawabs. L'un d'eux réclama un jour un rasoir !

Le bawab est à l'image de ce pays. Il s'agit d'abord d'une société féodale, acceptant les castes, et les classes sociales. Renonçant aussi à briser les frontières. Chacun appartient à un groupe délimité, précis. Et, il ne faut pas espérer pouvoir transgresser ainsi les règles. Le bawab, qu'il soit amical ou non, incarne le rôle du souverain père, auquel il faut dire "Amen", lorsqu'on le rencontre. Comme une doléance...

Cependant, il n'y a rien, aussi, de plus souriant que cette fonction. Endormi sous son acacia, il incarne ce bonheur simple de laisser le temps filer. Et, cela aussi, c'est très égytien...

C'était, par ailleurs le sentiment de Flaubert, lorsqu'il partit visiter l'Egypte, à l'âge de 28 ans (sic !). Je vous cite juste un court extrait, ça vaut son pesant de cahouètes : "On vit dans une torpeur parfumée, dans une sorte d’état somnolent, [...]. Mais on n’est pas gai; on rêvasse trop pour cela. Rien ne dispose plus au silence et à la paresse. Nous passons quelquefois des jours entiers, Max[ime] et moi, sans éprouver le besoin d’ouvrir la bouche."

Ben voyons... Alors, question : le bawab a-t-il lu la correspondance de Flaubert ?

samedi 29 septembre 2007

Des châteaux en Espagne...


Ce qu'il y a de bien, quand on vit à l'étranger, c'est que la moindre expérience peut parfois prendre des allures d'aventures merveilleuses. Et même mieux, au moment où on la vit, on enjolive déjà le présent. Je vais pas faire un (énième) cours de littérature, mais, franchement, on stylise tant qu'on peut. Tout simplement, parce que l'on sait que l'on se fabrique les souvenirs d'une vie. Résultat, tout est plus épicé, plus fort ou juste plus beau. Ce qui était anodin dans les rues clermontoises, prend des teintes dorées au soleil d'Egypte. On ne dort plus, on rêve. Et dès lors, on bouffe nos vies avec des sourires amusés. Hier, - et c'est déjà hier -, j'ai rejoint des amis sur une felouque, afin que l'on célèbre un anniversaire commun. Deux heures à dériver peinardos, à manger des sandwichs ou à savourer le gazpacho d'un ami espagnol, la tête dans les étoiles, glissant sur le fleuve dans une allure de sénateur. Bref, fin de la ballade, il est 1 heure du matin. Et là, je reçois le coup de fil de l'un de mes colocs (je vais en parler dans pas longtemps des colocs, vous zinquiétez pas), lequel me dit qu'il y a un appart à Zamalek qui fait une opération porte ouverte. "Pink party", précisément. Mais, comme il n'est pas question que je me couvre de rose et de ridicule, je préfère y aller ainsi. Un taxi, deux ponts à traverser, l'île de Zamalek. Zamalek, c'est vraiment l'île des riches par excellence. On croise avant tout la jeunesse dorée égyptienne, et puis, bien sûr, la jeunesse expatriée. Dont je fais parti, malgré tout. C'est au cinquième étage. Je suis flanqué de plusieurs amis, et notamment de deux jolies jeunes filles - libanaise et algérienne-, qui devraient largement suffir à nous ouvrir n'importe quelle porte. Nous y voilà : un appart' complétement enfumé, des canettes de bière à l'abandon, et pas mal de monde. "That's insane here !..." Karim, mon coloc canadien m'a aperçu. Il est sur l'un des balcons et discute avec la gente féminine locale. De l'autre côté du balcon, il y a Roy, coloc norvégien, jetant sur l'ensemble de l'appart son habituel regard amusé et distant. J'adorerais pouvoir poser sur certaines scènes ce même genre de regard (notamment les copies de nos chères têtes brunes !). Bref, nous voilà sur le balcon à échanger avec des jeun's de toutes nationalités. Je croise pas mal de monde que je connais déjà : Zamalek, c'est finalement tout petit.

J'ai eu, ce soir, le sentiment d'un tourbillon sans fin, dans les lumières des rues, à croiser le Nil de part et d'autre, à bord des taxis, sur les felouques, ou juste à pied, dans les rues défoncées. Ca sent le cumin et le poivre, les ordures et les gaz d'échappement, les chats sales et la viande chaude. Ca bouge, ça vibre, et ça gueule. Ca klaxonne et ça rigole. Ca me balance de temps à autre des "Welcome in Egypt", qui rebondissent contre le bitume de la route. On entend les lourdes stances du Coran, et tout ça vous traverse le corps et s'inscrit en grand dans la mémoire. Je sais ce que je vis. Je sais que j'ai de la chance. Et je me demande parfois si je vais revenir vivre en France...

Hier après-midi, en rentrant des courses, Karim et moi, avons décidé de passer chez un pâtissier excellent, mais pas très bon marché. Bref, nous voilà avec une boîte de dattes, d'amandes, et de petits gâteaux... Retour à l'appart'. Roy nous aide à ranger. Suggestion : on regarde un film ? Ouais quoi ? Je propose l'Auberge espagnole...

A chaque fois que j'ai vu ce film, au lieu de finir avec le sourire, j'avais dans un coin de ma tête une sorte de tristesse, un vague à l'âme qui m'encombrait l'esprit pendant une semaine, surtout quand j'allais dans des bleds comme Châtelguyon pour taffer. Et, cette fois-ci, j'ai vu le film, entouré de deux types qui ne sont même pas de mon pays, avec des pâtisseries égyptiennes à portée de main, dans mon appartement au Caire, à DOkki...

J'ai enfin construit mon château en Espagne...

jeudi 27 septembre 2007

Le trajet le matin...



Je crois qu'il me faudrait sans doute plusieurs articles pour expliquer ce qu'est réellement le collège de Maadi. Mais, on peut commencer par décrire l'endroit et mon trajet matinal. "L'Oasis" se trouve dans une zone au Sud du Caire. D'ailleurs, on est même plus au Caire quand on y va. Mon seul plaisir est que le matin, lorsque je pars taffer, je traverse intégralement la capitale égyptienne. Je pars de Dokki, et je traverse une première fois le Nil, afin de rentrer dans Down Town. A ma gauche, on aperçoit les tours de l'Hilton, et, à ma droite, on aperçoit l'Intercontinental. Sur la rive, des felouques se laissent dériver nonchalemment dans le soleil matinal. C'est un peu ça Le Caire, un mélange de modernité et d'archaïsme, tant dans les sphères sociales, économiques ou religieuses, bien sûr. Mais, j'aurais sans doute l'occasion d'en reparler. Donc, après avoir traversé le pont, je prends sur la droite, afin de longer la corniche. Regardez la photo, je prends cette route tous les matins ! Ca change des Combrailles isnt'it ? Le truc sympa, c'est de voir le Palais Manial, même furtivement. Bref, on poursuit la route jusqu'à arriver dans la zone résidentielle de Maadi. Mais, juste avant, complètement à l'Est, apparaît Gizeh... Et, au loin, se découpent deux pyramides. Eh oui les copains ! Je les vois aussi tous les matins... Et je ne me lasse définitivement pas de ce spectacle. En revanche, la traversée de Maadi, cette zone des expats totalement aseptisée, me déprime déjà un peu. Cela ne ressemble que si peu à mon quartier, et au Caire, en réalité ! Mais, le pompon, c'est bien Zaarat El Maadi. On sort de Maadi, devant une gigantesque antenne. Et là, il y a une sorte de ligne droite, bordée de HLM, tous sans aucun cachet. On progresse, et rapidement, il n'y a... rien. Enfin si, du sable et des constructions partout. Des grues, des camions, des pierres, dans une dominante grisâtre. Et, tout au bout de ce no man's land, on arrive dans mon bahut, qui n'a toujours pas de toit (ben oui, pas de taxes tant que le batiment n'est pas entiérement édifié !). C'est un grand bâtiment bleu ciel entourés de constructions inachevées. Le tout dans une poussière effrayante. Et le soleil qui cogne... Welcome in Egypt !

Justification...


J'ai toujours considéré les blogs comme l'épanchement narcissique d'adolescents en manque de reconnaissance. Cette volonté, parfois un peu malsaine, d'exhiber ses passions aussi bien que ses points noirs, sentait l'âcre odeur des vies anodines, lesquelles jouent à Bovary. Rêve de rêve quoi ! Et que je te parle de mes problèmes de coeur de bimbos... Et que je te montre que j'aime faire de la mobylette, ou que j'ai bu des bières l'autre jour, et qu'on a vomi dans les poubelles... Bref, autant dire qu'il vallait mieux regarder le jour du Seigneur, ou même la chance aux chansons, plutôt que de se cogner les mièvreries qui pullulent désormais sur la toile.

Et voilà qu'aujourd'hui, moi, le râleur impénitent, je décide de perdre du temps en écriture virtuelle... Alors, tentons, comme il est convenu de le faire, de justifier (je passe mon temps à le dire aux gamins) ce choix soudain et paradoxal. Tout d'abord, ça va me forcer à écrire un peu tous les jours. Je tiens globalement un journal de bord, mais, il faut reconnaître que le blog me forcera à rédiger plus souvent des articles. Et puis, surtout, il pourra me permettre de vous faire partager mes expériences...

Parce qu'il faut bien le reconnaître, même si je ne veux pas véritablement l'admettre, la France me manque parfois. En réalité, c'est plutôt les repères qui sont attirants. Il était si facile de passer des heures à jouer aux échecs à la Perdrix, ou juste boire un petit café à la Brasserie, en lisant peinardement l'Equipe... Mais voilà, ici, l'aligot ça court pas les rues...

Bref, laissez des messages (plutôt de soutien, on fera une boîte à l'entrée pour les réclamations...), et viendez en Egypte, je vous y attends tous avec une grande impatience... En attendant, voici la mise en bouche !