jeudi 15 novembre 2007

La première gorgée de Gin Tonic


Doucement, comme pris dans la douceur du climat de Novembre, je me laisse un peu glisser au rythme de l'Egypte. En fait, une certaine routine commence à s'installer. Une habitude, que je n'aurais finalement pas soupçonnée, s'est construite progressivement. Bien sûr, on peut toujours compter sur le Collège pour empêcher que l'ennui s'instille dans les esprits ! Chaque jour, une nouvelle idée lumineuse jaillit sous les crânes de l'admnistration. Visiblement inspirés par une lecture abusive et unilatérale de Molière, ces derniers déclinent la gamme de la Tartufferie. Et, déclament dans le désert de Zahraa el Maadi : "Couvrez ce sein que nous ne saurions voir !". La censure sévit ces derniers jours à la bibliothèque, et "Beaux-Arts Magazine" se voit désormais couvert de rubans anthracites, cinglant les poitrines et les sexes de femelles probablement damnées, au moins damnables. Et, dans ce gribouillage, les Muses obtiennent des sous-vêtements relativement sexy ! Rien n'échappe aux yeux attentifs des cerbères. La preuve ? Okapi, journal des 10-12 ans, a été amputé de sa couverture ! Quand je pense que ma propre mère m'avait abonné à ce démoniaque mensuel, sans mesurer les conséquences sur mon esprit de pré-adolescent ! C'est sans doute ce qui doit expliquer mes bacchanales quotidiennes...

Cependant, quelle joie simple de revenir à l'appart' le soir. Sortir du métro et remonter Sharya Dokki. Il est 17H30, et la nuit est déjà tombée. Le sport national débute alors : slalom olympique, entre les fissures de la rue, les restaurants vomissant des quantités de monde, et bien entendu, les bagnoles, qui avancent, que vous soyez en face ou pas. Ca grouille dans ce quartier : les vendeurs de clopes, les morceaux de viande pendues ostensiblement, les odeurs de fouls (je ferai un article uniquement consacré à la bouffe en Egypte... y'a plein de trucs à dire), et de poissons grillés. La poussière. Il faut prendre le temps de regarder les fruits et les légumes, de bien tourner dans sa paume les tomates, ou d'ouvrir dans la rue une pomme-cannelle, et de planter ses dents dans sa chair sucrée. Récupérer les chemises au pressing. Prendre une bouteille d'eau et le nescafé pour le lendemain. Et, enfin, revenir dans ma rue, sous les acacias. Saluer les divers bawabs, et les gardes devant l'ambassade. J'aime beaucoup les soirées au Caire. Dans l'appart', vers 20 heures, les colocs sont généralement tous là. On avise pour le repas. On fait la bouffe ? Bah, euh... La flemme est malheureusement une maladie aisément contractable : commander à bouffer ne coûte pas cher ! Traditionnellement, c'est toujours Karim qui saisit son portable, et parcourt son répertoire. Japonais ? Egyptien ? Libanais ? Pizza ? On tranche ce soir pour les sushis. Dans une demi-heure. Chacun regagne sa chambre, mais les portes restent ouvertes, histoire de pouvoir continuer les conversations déjà entamées. Arrive le sympathique livreur. Alors, seulement, on s'installe sur notre terrasse. Il fait doux, et sous nos pieds, on voit les arbres. Un muezzin lance son appel, profond et guttural. Devant nous, des maisons brunies par la poussière. La lune. Et les avions qui se posent, inclinent leurs aîles métalliques dans notre ciel. On entend au loin les klaxons de l'avenue, mais le calme domine. De temps à autre, mais rarement (bah ouais, ma mère lit ce blog !), donc TRES rarement, il arrive, parfois, mais vraiment c'est tout à fait exceptionnel, à tel point que je me demande si ça vaut le coup d'en parler, tellement caarrivejamais, non sans déconner, j'aimemêmepasça, donc, ROY et KARIM - mais pas moi, hein, moi je bois que de l'eau, et en plus elle est férégineuse- sirotent un gin tonic, les sushis sur les genoux. Et, dans ces instants de pure zénitude, il n'y a rien dire, simplement savoir que tout cela est précieux. Mais, le fin du fin, c'est de se mettre un film, sur le balcon. En fait, c'est à tour de rôle, le but étant de pouvoir partager ensemble un bon moment. Alors, à chacun son paradis... Mais, sur le balcon de mon immeuble, je m'approche du ciel, parfois...

vendredi 2 novembre 2007

De l'élégance...



Tout est affaire de bon goût au Moyen-Orient, on le sait... Je vous laisse le soin de juger par vous-mêmes des qualités indéniables du sympathique photographe, (la photo ici, sur la gauche : cliquez dessus pour agrandir, c'est vraiment trop beau...) qui vous fait un portrait censé inaugurer votre anniversaire, mais qui peut également agrémenter votre propre tombe... Le brave homme avait vainement tenté de m'offrir ses services, arguant dans un anglais plus qu'approximatif (Yes mistir, this iz viry bioutifoul for youur fimili...) la finesse graphique et le plaisir oculaire que pouvait procurer la contemplation de ses oeuvres, non encore reconnues, certes, par ses contemporains.

Ici, en Egypte, on aime bien le clinquant : il suffit de monter dans leurs taxis tunés pour s'en rendre compte. Pas un chauffeur qui ne mettra sa touche toute personnelle dans sa peugeot hors d'âge. Alors, à la volée, on constatera la peau de mouton habillant délicieusement l'habitacle. La présence quasiment indispensable de la boite de mouchoirs, parfois plaquée adroitement au plafonnier. Les têtes de mort, très classes, posées sur les petits taquets des portières. Et puis, bien sûr, si l'on peut rajouter des quantités de néons, plutôt roses, pour que ça se voit bien, c'est encore mieux. Pour les vrais amateurs, les têtes d'ours ou de panda, glissées sur les appuis-têtes afin de camoufler sans aucun doute les clients. Enfin, mais là on touche au sublime, la musique bontempi - quatre notes tout au plus - qui se déclenche lorsque le taxi s'arrête. Plaisir auditif garanti. Surtout dans les embouteillages. D'ailleurs, si vous aimez les histoires ahurissantes des taxis, je vous renvoie sur le blog de mon poto Sébastien, lequel a narré avec talent une sortie commune, et notamment les délires d'un chauffeur secoué : http://pharaoblog.blogspot.com/



Mais, là n'est pas vraiment mon propos. Car, figurez-vous que mon collège a reçu la prestigieuse visite de l'ambassadeur de Belgique. Ne soyez pas trop stupéfaits. N'allez pas vous dire : "Comment ? Le collège de François reçoit les plus hautes personnalités du Caire, que dis-je, le gratin (de) cairote !"...
En réalité, au collège, tout est d'abord une histoire d'apparences. J'appris que l'établissement envoyait des quantités d'invitations, et que c'était la quatrième fois que notre ami du plat pays recevait son carton. Jusque là, le brave homme avait décliné... Mais, comme on le sait tous, on finit toujours par céder face à la persistance, voire l'acharnement de certains organismes. Le collège, en ce sens, ressemble un peu aux témoins de Jéovah, qui finissent par rentrer chez quelqu'un de temps à autre, après avoir essuyé 302 refus. Son excellence déboulait Mardi. Dès Lundi, on sentit un vent de panique souffler dans les couloirs de l'établissement. L'ensemble du corps enseignant reçut une note, laquelle nous expliquait que l'ambassadeur allait avoir le tapis rouge, et qu'il allait visiter la classe de quelques privilégiés (malheureusement, je n'ai pas eu la chance des élus... Je suis pas encore upper class au collège !). Comme d'habitude, une petite bonne femme circula parmi les profs, afin de faire signer cette si importante circulaire. Et, on pouvait au lire au bas de la page, une petite note adressée à une enseignante de Techno : on la priait de cesser son bordel pendant la visite d'Illustrissime... Sympa.
Pendant toute la journée du Lundi, des cohortes de pions et de responsables, intervinrent dans ma classe. Les mômes se devaient d'être en tenue complète. Je rappellais, avec délice, à mes chères têtes brunes, de ne pas omettre ses chaussettes floquées du nom du collège (si, si, je vous jure que c'est authentique !)...

Enfin, arriva le Mardi. Je n'avais pas cours de 8 à 9, et pus tranquillement passer en revue l'état de mon lieu de travail, accompagné d'un collègue belge (Je vous passe l'arrivée d'un camion-benne qui déchargea une table dans la cour, ou de la consciencieuse préparation d'un marron glacé - j'ai bien dit UN-, événements quasi indescriptibles tant ils sont absurdes...). Dans les classes où devait se pointer l'ambassadeur, on avait mis des livres. Mais, attention, avec les tranches colorées, pour qu'on les voit bien. Les bouquins avaient été trimballés à la va vite de la bibliothèque, mais qu'importe. Sur les murs des couloirs, jusque là encore nus, on avait plaquardé des panneaux, tous plus beaux les uns que les autres. De mémoire, s'étendait en lettres épaisses des slogans glorieux, décrivant nos élèves : "Communicateurs, ambitieux, ouverts". Ah ! C'était presque aussi beau qu'une campagne du PS... Clou du spectacle, maintenant. A midi, le collège avait organisé un pot, en l'honneur de la visite du Belge. On aurait cru que l'ensemble du personnel allait être invité... Que nenni ! Seuls les profs belges, et les chefs de département, reçurent le droit de participer ! Résultat, les honteux Français et les misérables Egyptiens mangent leurs sandwichs à l'étage, tandis que les honnêtes gens font bombance en bas.

"Maalesh", comme disent les Arabes : j'ai loupé les Ferrero !!!